Et si en plus il n'y a personne

Publié le par MHS

«  A sympathy is what we need, my friend cause there’s not enough love to go round ». Pas assez de bienveillance pour continuer. Cette chanson du groupe Rare Birds sortie en 1969 colle à souhait à une époque qui semble prendre plaisir à s’enfoncer dans les ténèbres sous le poids d’une haine collective débridée, rendant toute tentative de bienveillance aussi aléatoire qu’illusoire.

La haine est devenue en quelques années une culture à part entière, un mode de penser, de communiquer. Voire d’exister, depuis que les réseaux sociaux ont décidé qu’elle n’était, après tout, qu’une denrée comme une autre à exploiter.

En 1969, tout semblait pourtant possible, y compris l’improbable comme marcher sur la lune. L’air était à la contestation dans les universités françaises. Un Président qui s’appelait De Gaulle préférait quitter le Pouvoir en voyant repousser son référendum plutôt que de tenter des manipulations obscures afin de durer un peu plus. En 1969, Nixon était élu à la tête des Etats-Unis et le pays s’enfonçait dans une guerre qu’elle n’avait même pas déclarée et qu’elle ne comprenait pas plus. Mais un concert à Woodstock montrait qu’il existait encore une énergie et un espoir d’avenir meilleur.

En 1969, un homme s’immolait par le feu afin de protester contre l’invasion de la Tchécoslovaquie par la Russie. Déjà… 56 ans plus tard, la Russie poursuit sa quête paranoiaque et victimaire d’un monde dessiné à son image. Et c’est ce monde qu’elle façonne depuis qu’elle a élevé la Propagande au rang de Nouvelle Vérité en multipliant les mensonges d’Etat à l’aide de ses usines de trolls, de ses faux sites d’information et de ses faux comptes Tweeter ou Facebook. La grande victoire de la Russie ne se situe pas sur le sol ukrainien ou sur le terrain militaire où elle a montré l’étendues de ses incompétences.  Sa victoire est d’avoir trouvé le moyen de transmettre ses peurs obsessionnelles aux cœurs et dans les cerveaux des démocraties. La Russie sait depuis Staline qu’un recours efficace aux thèses complotistes est encore le moyen le plus efficace de garder le Pouvoir en faisant douter l’intelligence d’un peuple. Elle utilise désormais ce savoir-faire complotiste afin de miner les opinions publiques de ces démocraties qu’elle abhorre tant et qui ne savent plus faire la différence entre le Bien et le Mal, la réalité et le mensonge. Sous son emprise le monde entier n’est plus qu’un vaste complot où se mêlent, en vrac, des élites corrompues pédophiles et cocainées, des multinationales souhaitant contrôler l’humanité. Satan est même convoqué pour expliquer la déchéance morale et sexuelle de pays qui s’adonneraient volontiers à des rituels sanglants d’enfant. Elle parvient même à faire douter d’une réalité simple : elle est l’agresseur et l’Ukraine est l’agressée sans aucune équivoque possible et sans main cachée de l’OTAN.

La vraie victoire de Poutine est d’avoir compris qu’avec l’aide des réseaux sociaux et d’hommes politiques fascinés par les pouvoirs de l’autorité il pouvait semer les doutes les plus absurdes dans les cerveaux les plus éduqués. Et s’il existait une parfaite illustration de cette déchéance, le cas de l’ancien journaliste André Bercoff serait symptomatique. Celui qui fut proche de François Mitterrand travaille sur la très droitière radio Sud Radio. A longueur d’émissions, il vomit sa détestation de la bien-pensance, des musulmans, de l’Ukraine ou de l’Amérique de Jo Biden. L’écrivain Douglas Kennedy en a fait les frais. Il était invité de l’émission « Bercoff dans tous ses états » pour évoquer la sortie de son dernier livre portant sur l’état de l’Amérique. La conversation n’aura durée que cinq minutes avant que l’ancien journaliste ne se mette à éructer sa haine, sous le regard sidéré de son invité : « C’est hallucinant ! » vocifère-t-il « vous traitez Trump de gangster alors que Biden, et on a des preuves » hurle-t-il « des quantités de preuves prouvant qu’il est un pédophile notoire drogué au crack, et qu’il a touché des millions de l’Ukraine et de la Chine et vous comparez Biden à Franflin Roosevelt, c’est hallucinant ! ». « Vous n’avez aucun respect » a répondu calmement l’écrivain avant de quitter l’émission. « Et voilà on ne peut pas discuter ! » lâche Bercoff avec une sidérante mauvaise foi.

Mais qu’est ce qui a merdé dans nos vies interrogeait avec humour Edouard Baer sur la scène du Festival de Cannes. Qu’est ce qui a merdé à ce point pour que la détestation et la bêtise ne deviennent nos nouvelles valeurs cardinales. Le problème avec le Mal c’est que personne ne sait la forme qu’il prendra quand on le fait sortir de sa boite. Poutine s’est cru le Maitre des Ténèbres, il n’en n’est qu’un obscur valet qui sera sans doute dévoré à son tour.

« Croire aux Dieux croire aux Cieux quand tout vous semble odieux » écrivait Gainsbourg. Si seulement. « Et si le ciel était vide ? » interrogeait quant à lui Souchon « tant d’angélus qui résonnent et si en plus il n’y a personne ? ».

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J
Bien écrit mais démoralisant.... en plus avec ces mots magnifiques de Souchon.. <br /> Et pourquoi pas un article plus riant ? <br /> Bises Marie.<br /> JM
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