Je n'aime plus Depardieu

Publié le par MHS

Et lorsque les monstres sacrés auront disparu serons-vous vraiment plus heureux? Aurons-nous gagné en humanité? J'aime Gérard Depardieu depuis l'âge de 14 ans. J'aimais tout en lui : ses outrances, sa générosité, sa force et même ses dérapages m'amusaient. Je l'aime depuis que je l'ai vu dans le film "Les Valseuses" aux côtés de Miou-Miou et de Patrick Dewaere jouer les gentils loubards désoeuvrés. Je l'ai aimé pour son chapeau de paille, sa désinvolture et son rire tonitruant. De film culte "Les Valseuses" esr désormais décrit par Wikipédia comme un des films français les plus controversés en raison de la vulgarité de ses répliques et de la présence de scènes d'agressions sexuelles présentées sous la forme de farces. Pourtant, à l'époque, il ne me semble n'y avoir décelé qu'une forme de folie douce, un road movie un peu déjanté appuyé et cadencé par les mots et le phrasé de Bertrand Blier. La vulgarité était acceptée. Aujourd'hui, l'obscénité se déverse au quotidien par écrans interposés sans que nous ne nous en offusquions le moins du monde. Pire, elle fait de l'audience et les beaux jours de Cnews. Elle est présente au quotidien sur les réseaux sociaux. J'ai aimé Depardieu encore un peu plus lorsque je l'ai entendu chanter aux côtés de Barbara dans le spectacle "Lili Passion ". Et puis il y a eu tous ses films qu'il a éclairé de son talent : le panache de Cyrano, la noirceur de 1900 de Bertollucci, la beauté de Catherine Deneuve et celle de Fanny Ardant qu'il a accompagnée, filmée par Truffaut. Sans oublier les mots de Duras qu'il a si bien porté. Depardieu était alors sublime, forcément sublime. Depardieu était cet homme capable d'inspiere d'incroyables anecdotes comme celle racontée avec tellement de tendresse par John Malkovitch sur l'antenne d'Europe 1 au micro de Nikos Aliagas. Il raconte que Depardieu l'avait invité, un soir, à dormir chez lui alors qu'il était en partance pour New-York :" j'ai vu Gérard arriver vers 21h sur un scooter rose, en bras de chemise alors que nous étions en hiver, portant de gigantesques assiettes de viande. Il m'a dit "faut que tu manges", je lui ai dit que je n'avais pas très faim. Il a mangé, mangé, mangé et puis il m'a demandé "est-ce que tu connais Johnny?" je lui ai répondu que je ne connaissais pas Johnny, il m'a dit "vient on va voir Johnny". On est monté sur le scooter rose, moi en manteau, lui en bras de chemise et on a roulé dans Paris. Au bout d'un moment il s'est retourné pour me demander "Putain, c'est quoi l'adresse de Johnny?". Je lui ai rappelé que je ne connaissais pas Johnny, donc que je n'avais pas son adresse, alors il a arrêté chaque voiture pour demander au conducteur l'adresse et bien en moins de 5 minutes nous avons eu l'adresse et nous avons passé une très belle nuit avec Johnny!". "Vous savez quoi?" a lancé Nikos "Vos nuits sont plus belles que nos jours!".

Le problème des monstres sacrés est qu'ils engendrent souvent leur double maléfique. Comme Gainsbourg a engendré Gainsbarre, Depardieu a engendré un personnage franchouillard,, salace et vulgaire qui enchaîne les grossièretés les plus affligeantes pour faire sourire ses amis.

Le talent n'excuse pas tout. En tout cas pas de se rendre à une soirée d'anniversaire de Razdam Kadirov en 2012, le Président de la Tchétchénie qui accumule les atrocités et se fout éperdument des droits humains. Ni de renoncer, pour d'obscures raisons fiscales, à son passeport français. Ni, non plus, d'accepter la nationalité russe que Vladimir Poutine lui octroie en 2013. Le talent n'excuse pas tout et certainement pas de considérer la douleur des femmes se disant agressées comme secondaire et anecdotique. Le talent n'excuse pas tout et certainement pas, comme Emmanuel Macron l'a fait de ne voir qu'une chasse à l'homme dans l'affaire Depardieu. Le plus triste et le plus affligeant est de voir la récupération politique qui s'opère autour de cette affaire, menée, comme désormais toutes les polémiques qui agitent le pays, par des réseaux d'extrême-droite. Depardieu est devenu sur la fachosphère une cause à sauver, symbole d'une France que l'on voudrait effacer. Prendre position pour ou contre Depardieu st désormais un marqueur politique qui déchire le monde du cinéma à travers d'obscures pétitions. c'est pour cette raison que je n'aime plus Gérard Depardieu

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