lettre d'un soir de lassitude

Publié le par MHS

Cher Pascal Praud

Je vous adresse cette lettre, écrite sûrement un soir de lassitude. Je voulais vous parler de journalisme, métier que j'ai exercé pendant trente ans à RTL avec un incroyable bonheur .Je crois qu'il y a urgence. Il faut revenir aux faits, revenir aux mots, ne retenir que l'essentiel. Il y a vraiment urgence.

De quoi parlons nous? Nous ne le  savons même plus, abreuvés de fausses informations par les réseaux sociaux, d'approximations et d'amalgames par les chaînes d'information. Je suis profondément triste et choquée de voir tous ces artistes de la qualité de Patrice Leconte ou d'Ivan Attal, sommés de s'expliquer, sous les ricanements de certains, sur des tribunes qu'ils n'ont ou pas signées. Profondément triste et choquée de voir la manière avec laquelle ils ont été abusé par l'auteur d'une de ces pétitions qui a décidé de faire de Gérard Depardieu un marqueur politique, désormais synonyme d'une France que l'on voudrait effacer. Ces grands noms apportent certainement plus au pays que ceux qui ne cessent d'entretenir, jour après jour, d'incessantes et vaines polémiques sur la crèche de Noel ou la coupe du monde de rugby.

Ces polémiques sont possibles car le journalisme ne parvient plus à remplir son rôle qui est d'informer et d'éclairer les esprits. J'ai eu la chance de grandir professionnellement auprès de grandes figures du journalisme. Ils avaient pour nom Robert Daranc, Rémo Forlani, Frédéric Pottecher ou Bertrand Poirot-Delpech. J'ai eu la chance de travailler sous les ordres d'immenses directeurs de chaîne, ils s'appelaient Raymond Castans ou Jaques Rigaut. Aucun n'aurait toléré que l'on pose, sur une antenne, une question aussi affligeante que celle posée, il y a quelques mois, dans votre émission "L'heure des Pro". Vous demandiez, je crois, si les migrants ne pouvaient ne pas être à l'origine de la recrudescence des punaises de lit. "Je pose la question, je m'interroge" avez-vous dit. Et bien gardez ce genre de questionnement pour votre cuisine ou devant un miroir de salles-de-bain car votre question dégage des relents nauséabonds, pas au micro d'une télévision. Vous affirmez, à ce même micro, que 80 pour cent des journalistes seraient de gauche. J'aimerais connaitre vos sources?  Pour ma part je lis chaque jour Le Figaro, chaque semaine Valeurs Actuelles, Le Figaro Magazine ou Le Point, sans avoir l'impression de lire une presse de gauche. Vous ne cessez de fustigez le service public, que l'un de vos invités appelle, je crois, "sévice public". Si vous n'appréciez pas, changer de station, mais n'en dégoutez pas les autres. Je dois à ces antennes quelques uns de mes plus beaux souvenirs radiophoniques, grâce, notamment à Claude Villers et son réjouissant Tribunal des Flagrants Délires. Grâce au Masque et la Plume  que vient d'arrêter Jérome Garcin. Il m'arrive de réécouter les Radioscopies de Jaques Chancel. Merveilles d'interviewes intelligentes, érudites et bienveillantes. Réécoutez le rire cristallin d''Arletty expliquant que la première des politesses, lorsque l'on a un métier est de l'exercer correctement. Quel délice! on y trouve, aussi, d'excellents podcasts comme ceux réalisés par Philippe Collin sur Pétain. 

"Il faut écouter tous les avis" dites-vous en conviant des invités aussi nécessaires qu'essentiels que Florian Philippot ou Jean Messiah dont la production de tweets complotistes et racistes constituent l'essentiel de leur oeuvre. 

Le journalisme n'est pas affaire de buzz mais, me semble-t-il, d'exactitude, de précision, de véracité. Des qualités que l'on trouve, notamment, chez Charline Hurel qui couvre avec un incroyable courage et une sérénité à toute épreuve la guerre en Ukraine. Ou chez Didier François qui éclaire de son expérience et il a payé pour savoir et de sa lucidité les débats. Le journalisme est aussi affaire de reportages sur le terrain. J'ai payé pour le savoir en passant des nuits et des semaines à suivre les émeutes en banlieue, à Vaulx-en-velin notamment. Nous étions bien seuls à parler de problèmes d'intégration devant une presse de gauche, qui, effectivement, brandissait les banderoles de Touche pas à mon pote afin de clore tout débat. Ou étiez-vous si ce n'est sur un terrain de foot ou dans un studio occupé à commenter. A cette époque, il existait bien une doxa, elle était de gauche. Aujourd'hui la doxa est à droite. Ne pas le reconnaitre serait de la mauvaise foi. Enfin, j'aimerais ne plus entendre, à longueurs de plateaux, la sempiternelle phrase " les français veulent que, les français pensent que". Je ne reconnais à personne le droit de penser à ma place, cela me demande suffisamment de temps et d'énergie. La  polarisation des débats à laquelle vous participez n'est pas une bonne chose.

Pour finir, je me permets un conseil, ouvrez grand les fenêtres, sans haine on respire mieux. Essayez vous verrez.

En toute confraternité et sans bien-pensance particulière.

Marie-Hélène Sans

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