La guerre culturelle

Publié le par MHS

Si la guerre civile est une discussion qui tourne mal, comme l’écrivait Jacques Julliard, on doit s’en rapprocher tant les débats n’en finissent plus de déraper sans qu’aucune voix ne semble en mesure de s’élever et de les ramener sur de meilleurs rails.

« Vous me faites honte » avait lancé Robert Badinter à la face de ceux qui avaient sifflé François Mitterrand lors d’une commémoration de la rafle du Vel d’Hiv. On rêverait que quelqu’un se lève et lance la même admonestation. Car la libération de la parole version Zemmour semble précipiter le plus grand nombre vers le chaos.

Ainsi on en est là, à voir un type qui se prend pour le futur président de la République, pointer une arme, pour rire, sur un journaliste venu suivre la visite qu’il effectuait dans un salon de l’armement. On en est là, à l’entendre expliquer que le geste était humoristique avant de traiter une ministre d’imbécile, alors qu’elle confiait son effroi devant une telle scène. On en est là, à écouter, sur CNews notamment, des journalistes plus indignés par le tweet de la dite ministre que par le dérapage du polémiste. « Elle surréagit, elle est dans l’outrance » explique Pascal Praud, pas gêné pour un sou de détourner le débat, rejoint également par tous les participants. On en est là, aussi, à regarder, deux de ceux qui passent pour être les esprits les plus brillants de l’époque, se jeter, par plateaux de télévision interposés, leur judaïté à la figure. Bernard-Henri Lévy ne fait pas mieux que Jean-Marie Le Pen qui expliquait que Zemmour pouvait tenir l’ensemble de ses propos que parce qu’il était juif. Il ne fait pas mieux en signant une tribune dans le Point intitulée « ce que Zemmour fait au nom juif ». Le philosophe renvoie de la même manière le polémiste à sa judaïté en écrivant qu’il piétine tout ce que le legs juif apporte à la France. Ce à quoi le polémiste a répondu, toujours sur CNews, que BHL représentait la figure du traitre absolu, son internationalisme étant anti-français.

Il y a longtemps que le débat politique ne s’était plongé, avec un tel délice, dans des relents aussi nauséabonds, sans que l’on voie pour quelles raisons il en sortirait.

« A quoi sert la culture ? A quoi sert d’avoir autant lu » s’est interrogé François Bayrou « pour en fin de compte tenir de tels propos ? ». Une question qui fait face au silence assourdissant de la classe politique, comme tétanisée par le polémiste. Notamment celui des LR, trop occupés à organiser la désignation de leur candidat, pour organiser une ligne de conduite face à lui. A l’image de leur président Christian Jacob à qui l’on demandait si Zemmour était raciste : « Zemmour ? Non, il fait du Zemmour » s’est-il borné à répondre. Un peu comme lorsqu’on évoque un vieil oncle un peu lointain, que l’on aime bien même s’il fait un peu honte. La grande force de Zemmour est d’être parvenu à faire croire qu’il représentait l’intelligence et la culture à lui tout seul. Une escroquerie rendue possible par la force du média télévisuel et aujourd’hui des réseaux sociaux. Zemmour le revendique, il est un homme du passé, un homme qui ne se remet pas de la disparition du RPR qu’il veut ressusciter. Un homme, qui a pourtant voté Chevènement, mais ne se remet pas de la victoire de François Mitterrand et des socialistes en 1981. Une victoire qu’il décrit comme étant totale, politique, morale et sociétale avec l’avènement du politiquement correct qui a jeté de longs voiles sur bon nombre de débats de la société française. « Nous devons détruire le travail génial de culpabilisation de François Mitterrand » a-t-il lancé à la sortie d’un de ses presque-meetings.

Car c’est une guerre culturelle que la droite qui le soutient entend mener désormais. Comme la définit le sociologue américain James Davison Hunter. Dans son livre « Culture Wars » écrit en 1991, il décrit la fin de la menace externe que constituait l’Union Soviétique et la désignation d’un ennemi intérieur. « Une guerre qui sera aussi décisive que ne le fut la guerre froide » selon le journaliste ultra-conservateur Pat Buchanan pour qui il en va de la survie de l’âme du pays, « l’Amérique traditionnaliste étant incompatible avec l’existence de la gauche américaine ».  C’est cette fracture que reprend Marion Maréchal quand elle décrit la supériorité morale de la gauche : « la droite » explique-t-elle « a laissé des domaines entiers d’influence à la gauche, à partir des années 60 en ne s’intéressant qu’aux affaires. Elle a, ainsi, abandonné l’enseignement, la culture et les médias. La gauche a pu, également imposer sa supériorité morale car elle a réécrit l’Histoire à son avantage » poursuit-elle « faisant passer la colonisation pour une œuvre de la droite alors que c’est la gauche universaliste qui l’a réalisé ou en oubliant que la première résistance était de droite avec l’extrême-droite monarchiste pour ne retenir que celle des communistes ». « Il faut apporter de la nuance sur le plan historique pour faire cesser cette culpabilisation » conclue-t-elle « la droite est prête, désormais, pour cette bataille ».

Réécrire l’Histoire, enlever du pouvoir aux contre-pouvoirs, c’est ce qu’annonce Eric Zemmour. De la nuance, c’est ce qu’apporte Vincent Bolloré à son groupe de presse, en remplaçant le directeur de la rédaction du Journal Du Dimanche par un journaliste plus près de la nouvelle doxa. Depuis plusieurs semaine la radio et la télévision de service public sont dans le viseur de la fachosphère et d’une certaine presse de droite, de Valeurs Actuelles, en passant par Causeur et même le Figaro Magazine qui titre sur la mainmise culturelle de la gauche.

La bataille a bel et bien commencé. Le programme est clair. Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Si la guerre civile est une discussion qui tourne mal, comme l’écrivait Jacques Julliard, on doit s’en rapprocher tant les débats n’en finissent plus de déraper sans qu’aucune voix ne semble en mesure de s’élever et de les ramener sur de meilleurs rails.

« Vous me faites honte » avait lancé Robert Badinter à la face de ceux qui avaient sifflé François Mitterrand lors d’une commémoration de la rafle du Vel d’Hiv. On rêverait que quelqu’un se lève et lance la même admonestation. Car la libération de la parole version Zemmour semble précipiter le plus grand nombre vers le chaos.

Ainsi on en est là, à voir un type qui se prend pour le futur président de la République, pointer une arme, pour rire, sur un journaliste venu suivre la visite qu’il effectuait dans un salon de l’armement. On en est là, à l’entendre expliquer que le geste était humoristique avant de traiter une ministre d’imbécile, alors qu’elle confiait son effroi devant une telle scène. On en est là, à écouter, sur CNews notamment, des journalistes plus indignés par le tweet de la dite ministre que par le dérapage du polémiste. « Elle surréagit, elle est dans l’outrance » explique Pascal Praud, pas gêné pour un sou de détourner le débat, rejoint également par tous les participants. On en est là, aussi, à regarder, deux de ceux qui passent pour être les esprits les plus brillants de l’époque, se jeter, par plateaux de télévision interposés, leur judaïté à la figure. Bernard-Henri Lévy ne fait pas mieux que Jean-Marie Le Pen qui expliquait que Zemmour pouvait tenir l’ensemble de ses propos que parce qu’il était juif. Il ne fait pas mieux en signant une tribune dans le Point intitulée « ce que Zemmour fait au nom juif ». Le philosophe renvoie de la même manière le polémiste à sa judaïté en écrivant qu’il piétine tout ce que le legs juif apporte à la France. Ce à quoi le polémiste a répondu, toujours sur CNews, que BHL représentait la figure du traitre absolu, son internationalisme étant anti-français.

Il y a longtemps que le débat politique ne s’était plongé, avec un tel délice, dans des relents aussi nauséabonds, sans que l’on voie pour quelles raisons il en sortirait.

« A quoi sert la culture ? A quoi sert d’avoir autant lu » s’est interrogé François Bayrou « pour en fin de compte tenir de tels propos ? ». Une question qui fait face au silence assourdissant de la classe politique, comme tétanisée par le polémiste. Notamment celui des LR, trop occupés à organiser la désignation de leur candidat, pour organiser une ligne de conduite face à lui. A l’image de leur président Christian Jacob à qui l’on demandait si Zemmour était raciste : « Zemmour ? Non, il fait du Zemmour » s’est-il borné à répondre. Un peu comme lorsqu’on évoque un vieil oncle un peu lointain, que l’on aime bien même s’il fait un peu honte. La grande force de Zemmour est d’être parvenu à faire croire qu’il représentait l’intelligence et la culture à lui tout seul. Une escroquerie rendue possible par la force du média télévisuel et aujourd’hui des réseaux sociaux. Zemmour le revendique, il est un homme du passé, un homme qui ne se remet pas de la disparition du RPR qu’il veut ressusciter. Un homme, qui a pourtant voté Chevènement, mais ne se remet pas de la victoire de François Mitterrand et des socialistes en 1981. Une victoire qu’il décrit comme étant totale, politique, morale et sociétale avec l’avènement du politiquement correct qui a jeté de longs voiles sur bon nombre de débats de la société française. « Nous devons détruire le travail génial de culpabilisation de François Mitterrand » a-t-il lancé à la sortie d’un de ses presque-meetings.

Car c’est une guerre culturelle que la droite qui le soutient entend mener désormais. Comme la définit le sociologue américain James Davison Hunter. Dans son livre « Culture Wars » écrit en 1991, il décrit la fin de la menace externe que constituait l’Union Soviétique et la désignation d’un ennemi intérieur. « Une guerre qui sera aussi décisive que ne le fut la guerre froide » selon le journaliste ultra-conservateur Pat Buchanan pour qui il en va de la survie de l’âme du pays, « l’Amérique traditionnaliste étant incompatible avec l’existence de la gauche américaine ».  C’est cette fracture que reprend Marion Maréchal quand elle décrit la supériorité morale de la gauche : « la droite » explique-t-elle « a laissé des domaines entiers d’influence à la gauche, à partir des années 60 en ne s’intéressant qu’aux affaires. Elle a, ainsi, abandonné l’enseignement, la culture et les médias. La gauche a pu, également imposer sa supériorité morale car elle a réécrit l’Histoire à son avantage » poursuit-elle « faisant passer la colonisation pour une œuvre de la droite alors que c’est la gauche universaliste qui l’a réalisé ou en oubliant que la première résistance était de droite avec l’extrême-droite monarchiste pour ne retenir que celle des communistes ». « Il faut apporter de la nuance sur le plan historique pour faire cesser cette culpabilisation » conclue-t-elle « la droite est prête, désormais, pour cette bataille ».

Réécrire l’Histoire, enlever du pouvoir aux contre-pouvoirs, c’est ce qu’annonce Eric Zemmour. De la nuance, c’est ce qu’apporte Vincent Bolloré à son groupe de presse, en remplaçant le directeur de la rédaction du Journal Du Dimanche par un journaliste plus près de la nouvelle doxa. Depuis plusieurs semaine la radio et la télévision de service public sont dans le viseur de la fachosphère et d’une certaine presse de droite, de Valeurs Actuelles, en passant par Causeur et même le Figaro Magazine qui titre sur la mainmise culturelle de la gauche.

La bataille a bel et bien commencé. Le programme est clair. Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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