Comme une odeur d'essence

Publié le par MHS

Il règne comme une odeur d'essence dirait Orelsan. Un sentiment qu'il suffirait de pas grand-chose pour que le feu prenne et que l'incendie s'embrase. Une envie nihiliste de gratter des allumettes tout en dansant sur des volcans en irruption. Un oeil rivé sur les chaines d'information, le doigt bloqué sur les réseaux sociaux. 

Qui sème la peur récolte la haine. Et le gouvernement a beaucoup semé au cours de la crise sanitaire. Le terreau est désormais fertile et l'obscénité devient, petit à petit, un mode de pensée, le nec-plus ultra de la réflexion réactionnaire contemporaine. Chez Eric Zemmour, l'obscénité est un peu une deuxième peau dans laquelle il se prélasse, une manière de faire progresser ses idées que même Donald Trump n'avait pas utilisée. Rien ne l'arrête, pas même les victimes du Bataclan qu'il a tenté d'instrumentaliser au cours d'une visite en forme de profanation. "Les bougies, ça suffit!" s'est écriée Elisabeth Lévy, directrice de la rédaction du magazine "Causeur", qui ne ménage pas ses efforts pour soutenir le polémiste. Même si pour cela il faut faire un tri mortifère entre les victimes, en distinguant les familles des victimes de Droite "qui ont le courage de crier leur colère" et celles de Gauche "qui se contentent" selon elle "d'allumer ces fameuses bougies". La souffrance et la dignité des rescapés décrites tout au long du procès du 13 novembre méritaient un peu plus de respect et de considération.

Une autre obscénité des amis de Zemmour consiste à faire passer tout sujet qui ne concerne pas l'immigration comme secondaire qu'il s'agisse du pouvoir d'achat ou de la crise sanitaire. "Il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat" s'est énervé, l'autre jour, Denis Tugduald, directeur-adjoint de Valeurs Actuelles "tous les jeunes que je connais ont un smartphone de 1000 euros dans leur poche!" a-t-il asséné même s'il y a peu il soutenait la colère des gilets jaunes.

Cette envie de gratter des allumettes est devenue une occupation lucrative dans certains médias de droite. Sur Cnews, Jean-Marc Morandini a inauguré, il y a peu, un nouveau concept, une déclinaison assez "trash" de l'émission "Rendez-Vous en Terre Inconnue". L'idée étant de plonger des personnalités d'Extrême-Droite au sein de certains territoires perdus de la république. Pour le premier numéro, on a pu voir Eric Zemmour déambuler dans les rues de Drancy. Lors de la deuxième édition, l'animateur n'a rien trouvé de mieux que d'emmener Jordan Bardella se promener dans le quartier de la Guillotière à Lyon. Le spectacle étant assuré par une centaine  de manifestants antifas. C'est donc avec le concours involontaire  des CRS que s'est déroulée l'émission, dans une ambiance houleuse et aux sons de tirs de mortier. Morandini répétant à l'envie qu'il ne s'agissait pas de faire de la provocation mais "de montrer le réel".  Le règne de la télé-réalité à son apogée. 

Cette même envie de gratter des allumettes, on la retrouve chez le nouveau média en ligne "Livre Noir". Erik Tegnér, l'un de ses créateurs, a quitté Marine Le Pen, jugée trop sociale, pour se rapprocher de Marion Maréchal. La ligne éditoriale revendiquée ne cache pas sa radicalité : les faits sont accessoires, seul compte un journalisme d'opinion" explique-t-il. C'est au nom de ce journalisme qu'un de ses "journalistes" s'est rendu à Aulnay-sous-bois pour demander à ses habitant ce qu'ils pensaient de la Théorie du Grand Remplacement. L'odeur de l'incendie, encore.

La détestation de la réalité, c'est ce que partage en commun l'Extrême-Droite et les réseaux sociaux qui se retrouvent dans l'essor des thèses complotistes.

C'est dans cette atmosphère, que s'éteint, semaine après semaine, le football français, sous les coups de supposés supporters qui agissent dans un stade comme ils le feraient chez eux, dans leur salon, balançant des tweets assassins histoire de se défouler. Dans la réalité, c'est une bouteille dont ils disposent. Le football français se dissout lentement en mondiovision alors qu'il dispose des meilleurs joueurs. L'incapacité chronique des principaux responsables à prendre des décisions a donné ce spectacle effarant : une minute trente de jeu pour deux heures de tergiversations. "J'ai honte" a écrit Vincent Duluc "un sentiment de degoût au bord des lèvres. Honte à cause d'abrutis qui sont aussi des délinquants". Des délinquants qu'il faudrait sanctionner dans les stades mais aussi sur les réseaux sociaux où ils développent un sentiment d'impunité et de toute puissance. Et comme tout est du spectacle, c'est dans l'émission de Cyril Hannouna que l'avocat du supporter, condamné à six mois de prison avec sursis, est allé plaider sa cause. Patricia Highsmith écrivait de la France qu'il n'existait aucun pays au monde qui s'estimait autant avec si peu de raisons de le faire. On va finir par penser qu'elle avait raison.

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